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ÉPIDÉMIOSURVEILLANCE SCHMALLENBERG ÉTRENNE LA PLATE-FORME

Ce nouveau virus arrive par le nord-est du pays, comme celui de la FCO (1). Mais entre-temps, la France a commencé à revoir son dispositif de surveillance épidémiologique. Les pouvoirs publics, l'Anses (2) et les professionnels travaillent de concert face à la maladie.

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Organiser la surveillance d'une pathologie animale qui n'existe que depuis quelques mois, c'est le tour de force qu'a réussi la Plate-forme nationale de surveillance épidémiologique avec la maladie de Schmallenberg. Tout commence le 18 décembre 2011, « lorsque le chef des services vétérinaires néerlandais alerte ses homologues européens de ce qui se passe dans son pays, se souvient Didier Calavas, coordonateur de la plate-forme. Deux jours plus tard, la DGAL (3), l'Anses et le laboratoire de santé animale de l'Anses de Maison-Alfort se réunissent et étudient l'opportunité de surveiller son apparition éventuelle dans l'Hexagone. » Une note d'information est diffusée aux autres membres de la plate-forme. Les premières idées sont jetées sur le papier, puis affinées entre Noël et le jour de l'an. Et le 4 janvier 2012, la DGAL informe ses services départementaux des mesures à mettre en oeuvre pour déceler la circulation du virus de Schmallenberg en France. « Définir un système de surveillance, rédiger une note de service et la faire signer en à peine trois semaines, c'est assez peu commun, relève Didier Calavas. Surtout pour une pathologie qui n'est pas identifiée sur le territoire ni réglementée. Et qui ne présente pas un caractère d'urgence marqué. Sans la plate-forme, nous n'aurions pas réussi. »

Mais qu'est-ce exactement que cette plate-forme ? Elle est la mesure phare des Etats généraux du sanitaire organisés par le ministre de l'Agriculture après l'atterrissage de la FCO dans le nord de l'Europe et sa diffusion en France. « L'arrivée de la FCO montre une chose, insiste Jean-Luc Angot, directeur général adjoint de la DGAL. C'est qu'avec la mondialisation des échanges et le changement climatique, le risque de voir s'installer des maladies « exotiques » dans l'Union européenne est réel. Tout le monde a intérêt à ce qu'elles soient identifiées le plus rapidement possible. Mieux vaut investir dans la surveillance et la prévention que dans la lutte. Cela coûte moins cher ! »

MUTUALISER LES DONNÉES

Les Etats généraux du sanitaire aboutissent à un constat : les données utiles au suivi épidémiologique des maladies, aussi bien au niveau de l'administration que des professionnels, ne manquent pas. En revanche, la concertation fait défaut. « Mutualiser toutes ces informations, définir des modalités communes pour les collecter, les traiter et les restituer aux acteurs de terrain apparaît nécessaire », détaille Jean-Luc Angot. Telle est une des missions de la Plateforme nationale de surveillance épidémiologique. C'est un espace de concertation et de discussion qui associe le ministère, l'Anses, les éleveurs au travers de GDS France et de Coop de France, les vétérinaires, et les laboratoires.

Ces organismes échangeaient des informations par le passé mais pas de manière formalisée et organisée. « Les données étaient un peu hétérogènes et difficiles à exploiter pour nous, les épidémiologistes, reconnaît Gilles Salvat, directeur de la santé animale et du bien-être des animaux à l'Anses. Nous nous plaignons toujours de la qualité des données. Là, avec la plate-forme, nous avons un cadre souple et non un carcan juridique, où nous nous mettons d'accord pour partager un certain nombre d'informations et les formater correctement dès le départ. » Bilan pour le virus de Schmallenberg : les premières données purement descriptives remontent avec une bonne qualité. Et rapidement. « Là est l'originalité, assure Gilles Salvat. Cela paraît simple mais c'est ce qui nous manquait le plus. »

UN MOIS POUR RÉAGIR

L'objectif est de créer un infocentre, c'est-à-dire un endroit où les données convergent. « Quand l'épizootie de Schmallenberg est arrivée, nous n'étions pas encore organisés pour les collecter rapidement, rapporte Didier Calavas. Le premier mois, nous avons travaillé « à la main ». Les informations circulaient entre les vétérinaires qui repéraient les suspicions, les laboratoires qui collectaient les prélèvements, les collaborateurs de l'Anses qui faisaient les analyses, et la plate-forme. Très vite, la DGAL a développé un module grâce auquel chaque département peut saisir les informations qui le concernent. En un mois, nous avons monté un système pour récupérer l'ensemble des données de surveillance au niveau national. Cela nous a manqué dans d'autres épisodes comme, par exemple, celui de la FCO. »

La suite des événements, après la publication de la note de service déclarant ouverte la chasse au virus de Schmallenberg, a validé le dispositif. Les premières suspicions arrivent début janvier. La DGAL confirme le premier foyer le 25 janvier. Depuis, toutes les semaines, la plate-forme livre un état de la diffusion de la maladie en France. Mais ce ne sont pas les seuls résultats à porter à son crédit. Parallèlement à la surveillance du virus, se lancent deux enquêtes. L'une associe la SNGTV (4) à l'Anses. Elle fait appel à la mémoire des vétérinaires pour identifier les signes d'une circulation passée inaperçue du virus Schmallenberg durant l'automne dernier. « Nous avons eu peu de retours, note Éric Collin, qui préside la commission d'épidémiologie de la SNGTV. Soit il ne s'est rien passé, soit le phénomène n'était pas assez expressif pour que les éleveurs alertent leur vétérinaire. Nous allons maintenant sensibiliser les praticiens au fait qu'un syndrome aigu peut survenir avec la reprise d'activité de l'insecte qui véhicule le virus. En tant que vétérinaire de terrain, nous avons besoin d'informations précises et d'efficacité. Il fallait remettre un peu d'ordre dans notre système de surveillance, qui compte 80 dispositifs pour 160 maladies. C'est le rôle de la plate-forme. »

La seconde enquête est à l'initiative de GDS France, là encore avec le soutien de l'Anses. Son objectif est double : évaluer le taux d'atteinte dans les foyers, décrire les troubles observés et leur fréquence. Là aussi, les apports de la plate-forme sont évidents. « J'ai eu mon collègue de Moselle au téléphone, le lendemain de la confirmation d'un premier cas dans son département, détaille Anne Touratier, directrice adjointe de GDS France. Ce 26 janvier, il résume la situation ainsi. Soit chacun évalue l'impact de la maladie de son côté, mais ce sera beaucoup moins pertinent car nous n'utiliserons pas tous les mêmes indicateurs. Soit l'enquête part du niveau national, mais rapidement . Le jour même, j'ai soumis l'idée aux membres de la plate-forme. » Le lendemain, une première version du questionnaire d'enquête est sur la table. Il circule largement, et même en dehors du cadre de la plate-forme. Chacun l'amende. Tout va vite. « C'est là qu'on voit l'intérêt de la plate-forme, reprend Gilles Salvat. La concertation est rapide et étroite. Elle associe les compétences des GDS qui sont sur le terrain, de la DGAL et de l'Anses qui disent ce dont ils ont besoin pour construire des enquêtes. Mais ni trop, ni trop peu, pour que l'enquête se déroule sans contraintes majeures. »

Ce sont aussi les observations qui remontent des exploitations qui conduisent à s'intéresser à la mortalité des brebis ou au devenir des agneaux dans les portées de doubles ou de triples. Une seconde version du questionnaire passe au banc d'essai en Moselle et dans l'Aisne. « Le saut qualitatif entre la première et celle validée le 14 février est important, assure Anne Touratier. Nous avons ensuite formé les personnes chargées d'enquêter. Les investigations commencent. Parallèlement, l'Anses développe un outil de saisie en ligne que quelques collègues testent. Nous nous mettons ensuite d'accord sur les modalités de traitement des informations. Quand un point est bien avancé, nous commençons à aborder le suivant. » Tout s'enchaîne et les premiers résultats ne tardent pas. Ils sont mis en ligne sur le site internet de la plate-forme le 21 mars (voir La France agricole du 6 avril, page 33). Ils portent sur 185 élevages. Deux semaines plus tard, le 10 avril, ils s'enrichissent des observations réalisées dans 204 foyers supplémentaires.

La prochaine étape sera la prise en compte des troupeaux bovins. Le questionnaire est prêt depuis le 2 mars. Mais les naissances étant moins concentrées dans le temps que dans les exploitations ovines, davantage de temps sera nécessaire à l'obtention de résultats.

Une fois les manifestations cliniques de la maladie de Schmallenberg mieux cernées, il sera possible d'en estimer l'impact économique. Reste à voir si les éleveurs peuvent espérer une prise en charge au moins partiel le de leurs pertes.

RESPONSABILISER LES PROFESSIONNELS

Le ministre de l'Agriculture a très clairement renvoyé la balle dans le camp des professionnels. Il les a réunis le 14 mars et leur a demandé de « concrétiser leurs propositions de fonds de mutualisation sanitaire, qui pourrait permettre un accompagnement financier des éleveurs les plus gravement touchés ». Ce fonds serait à même de mobiliser des crédits communautaires, comme le prévoit l'article 71 du bilan de santé de la Pac. « Ses statuts seront déposés dans les jours à venir, garantit Pascal Férey, vice-président de la FNSEA. Il se nommera Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE). Avec JA, nous avons proposé à la Confédération paysanne et à la Coordination rurale d'y participer. Seule la Confédération a accepté, moyennant une modification des statuts. Chaque filière pourrait aussi proposer un fonds vertical. » Le fonds horizontal serait financé par une cotisation de 20 à 30 € par exploitation. La FNSEA souhaite que le ministre rende cette contribution obligatoire.

Seulement, pour obtenir l'appui financier de Bruxelles, il reste deux points à régler. Le premier est de faire reconnaître la maladie de Schmallenberg comme éligible au fonds. « C'est une maladie nouvelle, rappelle Jean-Luc Angot. Elle n'est référencée ni par l'OIE (5) ni par la réglementation communautaire. Inscrire la maladie sur une de ces listes, c'est prendre le risque de la réglementer avec, à la clé, des contraintes pour les échanges comme avec la FCO. La Commission ne le souhaite pas. Nous sommes en train de discuter avec elle pour trouver une solution. » Ensuite, dans le bilan de santé de la Pac, la Commission ne prévoit d'intervenir qu'une fois la dépense engagée, à hauteur de 65 % avec, bien sûr, un plafond. Autrement dit, il faut déjà avoir de l'argent en poche pour obtenir la participation européenne. À l'heure actuelle, il n'y a qu'un endroit où trouver cet argent. C'est dans les poches de GDS France.

« Nous sommes à l'aube de la naissance de fonds sectoriels verticaux que nos associations spécialisées créeront, à mon avis, avec la participation de GDS France, poursuit Pascal Férey. C'est à elle de se positionner. La maladie de Schmallenberg peut être un bon galop d'essai pour créer l'outil professionnel de mutualisation des risques sanitaires. Mais ce fonds n'a pas lieu de se substituer à l'État pour les dangers de première catégorie. » Une chose est sûre : le temps presse. Car si les crédits communautaires ne sont pas consommés dans l'année, ils seront perdus.

(1) Fièvre catarrhale ovine. (2) Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail. (3) Direction générale de l'alimentation. (4) Société nationale des groupements techniques vétérinaires. (5) Organisation mondiale pour la santé animale.

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